Andreas Eisenschneider

Andreas Eisenschneider est né à Lunebourg, mais passe son enfance et sa jeunesse dans la ville de Celle. La musique joue très tôt un rôle important pour lui. L’appartement familial dispose d’un bon équipement audio. C’est surtout sa mère qui développe un large goût pour la musique. Elle n’écoute pas seulement des chansons de variété, mais aussi volontiers de la soul, du jazz et du rock’n’roll. C’est ainsi qu’Andreas Eisenschneider découvre un large éventail de formes d’expressions musicales.

Au théâtre du château de Celle, il joue dans différentes productions théâtrales en tant que figurant puis obtient un premier petit rôle. Un soir au théâtre, l’ingénieur du son est malade et on lui demande de le remplacer. Il accepte et suit sans tarder une formation de technicien du son. Eisenschneider a trouvé son métier, car depuis toujours, il s’intéresse à la partie technique de la musique. Il reste à Celle jusqu’en 1988, date à laquelle il rejoint le festival Ruhrfestspiele pour lequel il travaille jusqu’en 1992. Après un bref intermède à Heilbronn, il part en 1990 travailler comme ingénieur du son d’abord au Théâtre Aalto puis au Grillo-Theater, situés à Essen. Ce qui le marque le plus, c’est sa collaboration avec les metteurs en scène Hansgünter Heyme et Jürgen Bosse. C’est une période de renouveau dans laquelle on essaie beaucoup de choses au théâtre, y compris en ce qui concerne la musique. Rapidement, Eisenschneider bénéficie de la confiance des metteurs en scène, peut faire des propositions et apporter ses propres idées. En plus d’être un technicien, il possède un esprit créatif et participe à la mise en scène. À cette époque, il fait la connaissance du compositeur Alfons Nowacki qui deviendra son mentor et le soutiendra. Nowacki l’emmène à des productions dans de nombreuses salles prestigieuses en Allemagne et à l’étranger. Au montage, Eisenschneider parachève les compositions existantes, en ajoute et en supprime d’autres. Une relation d’une grande confiance se développe entre les deux, si bien que parfois Nowacki le laisse seul mener à terme quelques projets. En parallèle, il fait d’autres rencontres importantes, notamment avec les musiciens Jun Miyake et Hans Reichel.

En 1995, Andreas Eisenschneider pose sa candidature au Tanztheater Wuppertal. Après des années de travail au théâtre, il désire se confronter à la danse. Ses exigences pour la collaboration avec le Tanztheater sont idéales. Il dispose d’un grand intérêt musical associé au savoir-faire d’un ingénieur du son. « Nur Du » sera sa première production et il est surpris de voir à quel point Pina Bausch est ouverte à ses propositions musicales nouvelles et différentes. À ce moment, il se familiarise avec la méthode de travail particulière de la chorégraphe. Juste avant la répétition générale, elle modifie encore l’ensemble de la pièce. Par conséquent, toutes les musiques, à l’époque encore sur bandes magnétiques, doivent être ajustées dans les plus brefs délais. Pina Bausch travaille avec une grande précision et une grande précaution. Elle ne prend de décision que lorsqu’elle est sûre des choses. Cela demande beaucoup de temps et une capacité à toujours tout rechanger, souvent à la dernière minute. Les danses et les scènes émergent lentement. Au début, il n’y a parfois qu’un mouvement clé, ou une petite phrase, qui ne se transforme que progressivement en danse. Les musiques doivent être adaptées et échangées en permanence selon cette évolution. Pour ce faire, les collaborateurs musicaux Eisenschneider et Matthias Burkert ont besoin d’avoir accès à de nombreuses archives et doivent pouvoir s’imprégner des goûts de la chorégraphe et des exigences que requiert une scène. « La musique », dit un jour Pina Bausch à Eisenschneider, « c’est le secret ». Elle fournit le cadre scénique et amplifie le contenu émotionnel d’une scène. Il n’est donc pas possible de limiter la recherche au préalable. Du jazz, de la soul, des musiques ethniques au heavy metal en passant par la musique classique, tout est possible. Une décision ne peut être prise que lorsqu’une danse ou une action coïncide avec la musique. Pour cela, d’innombrables essais sont souvent nécessaires.

Les archives s’étoffent le temps passant. Si au début environ 300 musiques sont passées en revue en répétitions, elles se voient ensuite multipliées par dix à travers les nombreuses coproductions avec des pays du monde entier. Aussi, le répertoire musical s’élargit-il sans cesse. De nouvelles directions sont constamment prises et testées. Il faut procéder avec une grande précaution. Les musiques sont souvent utilisées pour la première fois seulement lors de la répétition générale, avant la première. D’autres fois, certaines musiques ne trouvent leur cohérence que dans l’ambiance culturelle d’un pays et produisent un effet complètement différent en dehors de ce contexte. Là encore, les espoirs quant au fait de trouver la musique qui convient sont toujours déçus, et il faut continuer à chercher jusqu’à trouver la solution unanime. En outre, les musiques doivent répondre à une double exigence : elles doivent être fortes et mémorables tout servant la pièce.

Ainsi, quelques-unes des musiques ne sont pas retenues parce qu’elles dominent trop l’action sur scène. Pina Bausch mène ce complexe processus de création avec une grande prise de risque et un esprit d’équipe. Ensemble, ils cherchent les solutions justes. Ce n’est que dans cette vaste recherche musicale et en ayant confiance dans l’empathie de ses collaborateurs qu’elle peut être sûre de trouver des solutions qui tiennent la route. Eisenschneider et Mathias Burkert sont liés par une collaboration collégiale d’égal à égal dans la direction musicale commune du Tanztheater.

NORBERT SERVOS