conception : Amandine Beyer & Boris Charmatz
Neuf ans après leur première collaboration pour Partita 2 avec Anne Teresa De Keersmaeker, Amandine Beyer et Boris Charmatz se retrouvent pour créer ensemble un dialogue entre un quatuor à cordes et quatre danseurs. Instrumentiste et cheffe d’orchestre, Amandine Beyer aime aussi s’engager dans des projets transversaux. Chorégraphe et interprète, Boris Charmatz n’a cessé de remettre en jeu le rapport entre sa danse, le corps et la musique, mais travaille moins souvent avec des musiciens live sur scène. A l’invitation de l’Opéra de Dijon, les deux artistes imaginent une soirée autour de deux duos extraits de pièces datant de la jeunesse du chorégraphe : herses (une lente introduction) et Con forts fleuve. Ils laissent l’écart et la tension entre ces deux compositions très contrastées structurer le dialogue, et, accompagnés par le quatuor Kitgut, en viennent à inventer leur propre pas de deux.
Boris Charmatz : A l’époque de la création de Con forts fleuve ou de herses, j’écoutais énormément de musique contemporaine. herses a été créée avec des musiques de Helmut Lachenmann. J’étais à la recherche de matières, de compositions, mais en même temps, très intéressé par le processus de travail des compositeurs contemporains. (…) Ces deux duos, celui issu de herses et celui issu de Con forts fleuve n’ont pas de musique attitrée pour moi. En tant qu’extraits de pièces, il peut arriver qu’ils soient dansés en silence. Pendant La Ronde au Grand Palais [janvier 2021], où les deux ont été présentés, il y avait une musique d’orgue de Stefan Fraunberger sur herses, et une musique de Otomo Yoshihide – un musicien japonais – pour l’extrait de Con forts fleuve. Cela m’intéresse de savoir quelle oreille Amandine pourrait poser sur ces deux duos ayant des énergies très différentes. C’est une démarche un peu différente de celle qui organise la relation entre danse et musique d’ordinaire - par exemple, si j’essayais de chorégraphier autour d’une interprétation par Amandine, une pièce d’Arcangelo Corelli. Là, c’est l’inverse : il s’agit de la manière dont une musicienne voit la danse, et dont elle l’interprète par le choix d’une musique. (…)
Amandine Beyer : Nous allons faire des choix de musique, répéter, préparer, mais j’ai envie que ce rapport à la danse nous permette de conserver une forme de surprise, de spontanéité, de réactivité. Qu’on puisse conserver la question « qu’est-ce qu’on va faire ? ». Que ce ne soit pas une évidence, une certitude, mais une question : quelle musique pourrait produire un effet sur cette danse ? En ce moment, de plus en plus de personnes me proposent de faire des choses un peu moins écrites – ce qui pour moi était une impossibilité avant. J’ai appris à jouer ce qui est sur la partition. Dans le travail du musicien, l’œuvre constitue le plus souvent le but final, l’endroit où il faut arriver. (…) C’est vraiment en travaillant avec la danse que j’ai commencé à réaliser la relativité de la notion d’erreur. En danse, on peut se blesser, se tordre la cheville, mais j’ai le sentiment qu’on ne peut pas se tromper comme en musique.
Extrait de l’entretien d’Amandine Beyer et Boris Charmatz par Gilles Amalvi, mai 2021.