Chorégraphie: Boris

Charmatz

Con forts fleuve

Notes sous la chorégraphie

Dire on (pronom impersonnel) plutôt que nous. On dispose d’une certaine tension hermétique, voisine de la contention. On regarde une grande salle de spectacle. On décide de sous utiliser les moyens à sa disposition, en instituant des zones vidées et des éclipses de lumière. On réitère l’expérience jusqu’à écœurement pour établir des creux de représentation et partager subrepticement le spectacle en deux « branches » distinctes. (Bien que sans cesse suspendues, ces deux « branches » suivent leur cours jusqu’à leur terme). On délaisse les feux de la rampe et leur exigence (passer ladite rampe) pour expérimenter la réalité de corps maintenus à distance. Par la même occasion, on essaye de déboulonner le statut du danseur en scène, en profitant de l’axe perspectif. Plutôt que d’ordonnancer le corps du groupe, on applique les grands remèdes : brouillage, indistinction, recouvrements, occultations, distance, hétérogénéité des parties en présence. À partir de ce moment-là, on ne distingue plus bien. Mais se posent moins des problèmes de visibilité que des questions d’incarnation. Ou plutôt : il est question d’incarnation. Le choix de brouiller, maintenir à distance, interrompre sans cesse, pourrait être une stratégie visant à s’écarter de la perception usuelle des spectacles du corps. Mais le grand trouble, c’est la menée de la présence. Le grand trouble, c’est le corps quand on ne sait plus très bien quel “propre” son sens recouvre, c’est la présence mise à mal.

Une trilogie s’obscurcit : corps présence voix. Après s’être demandé si la danse était vraiment une affaire de corps (plus que toute autre sphère d’activité, et comme si le corps disparaissait dans l’écrire ou dans le penser ?), on pourrait aussi interroger les lieux communs de la voix comme unicité, projection entière de chaque individu et affirmation d’une présence absolue : la présence-du-corps-dans-la-voix. Face à cette voix totale, on propose deux investigations contrastées : d’une part en opérant à partir d’un texte de John Giorno une mise à-plat, une déréalisation, pour tout dire, une désincarnation de sa présence (ceci même alors que Giorno « bourre » son verbe de chair et d’enchâssements corporels). D’autre part en essayant une forme de bifurcation quasi accidentelle, l’énergie dansée investie momentanément dans nos organes vocaux, à la recherche d’une « physicalité » de la voix. Un texte de corps qui n’est plus porté et des voix sans mots qui ne fouillent que le corps : hétérogénéité de l’oral entre les « blocs de chair déterritorialisés » et le flottement d’une sexualité du verbe qui ne trouve pas à s’incarner. Coincée entre John Giorno et la musique d’Otomo Yoshihide, la danse cherche encore ailleurs ses motifs. Dimitri Chamblas, Boris Charmatz, Julia Cima, Myriam Lebreton, Vincent Dupont, Nuno Bizarro et Catherine Legrand se souhaitent mutuellement bon courage.

Boris Charmatz, printemps 1999

Con forts fleuve Con forts fleuve Con forts fleuve

Chorégraphie

Lumière

Yves Godin

son

Olivier Renouf

Régie son

Olivier Renouf

Mathieu Farnarier

Travail vocal

Dalila Khatir

Direction technique

Marc Chevillon

Alexandre Diaz

Production

Association edna, Musée de la danse / Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne - Direction : Boris Charmatz. Association subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication (Direction régionale des Affaires culturelles / Bretagne), la Ville de Rennes, le Conseil régional de Bretagne et le Conseil général d’Ille-et-Vilaine. L’Institut français contribue régulièrement aux tournées internationales du Musée de la danse.
 Dans le cadre du programme Initiatives d’artistes en danse contemporaine.

Musique

Otomo Yoshihide 
Extraits de SON-9, TSOG-16, ROCRR-64, TS-7235, 75-ST51, UTR DR-0030 tirés du disque compact Vinyl tranquilizer (Noise Asia NAIM01) 
Extrait de One-DD tiré du disque compact Sound Factory (Gentle giant records gg021)

Texte

John Giorno 
Pornographic Poem et Give it to me, baby
 Extraits de Pornographic Poem 
Tiré du disque vinyl The Intravenous Mind presents poems by John Giorno lp 501/1967 (transcription et traduction : Véronique Beghain)

Première

7 oct 1999, Quartz - Centre national dramatique et chorégraphique de Brest

Durée

1h 5min

Distribution

Interprétation
Nuno Bizarro
Dimitri Chamblas
Julia Cima
Vincent Dupont
Myriam Lebreton
Catherine Legrand
Olga de Soto

Coproduction: Le Quartz-Centre national dramatique et chorégraphique de Brest (création-résidence), La Filature-Scène nationale de Mulhouse, Festival d’Automne à Paris, Luzerntanz – Luzern, Kaaitheater – Bruxelles.

 

Remerciements: Hervé Binet, Théâtre de la Cité Internationale ; La Ferme du Buisson- Scène Nationale de Marne-la-Vallée