Ballet sommaire, saltatoire et chantant
Une « tranche de spectacle » : Nous chantons, sur, de, pour la musique de Galina Ustvolskaya, l’une des plus denses du vingtième siècle. Nous la chantons comme s’il s’agissait d’un tube qui passe quotidiennement à l’antenne. Toute la modernité, toute la Russie, toute l’âme : cette musique essaye d’embrasser une totalité. Toute l’Histoire. Et nous, tant bien que mal, nous embrassons cette musique dont la totalité ne peut être que miroitante. La voix et le corps se partagent strictement l’espace. Les rythmes de l’un nourrissent les sautes de l’autre pour former un amalgame. Une sorte de pierre folle fendillée. Nous nous tenons la main, en cercle, à l’ancienne. La danse n’a lieu qu’en échange de l’abandon du chant, de ce cercle, de cette musique, de ce lien commun. Elle nous prend dès que nous lâchons les mains, nous quitte aussi vite que nous rentrons dans la ligne. Subrepticement. Et subrepticement nous guettons l’espace alternatif qui nous permet d’habiter ce monde en un ballet sommaire. Pour le visiteur allongé devant héâtre-élévision, les multiples spectacles qui composent cette pseudo-installation ne sont révélés qu’en partie, à la découpe. Chaque danse est méticuleusement réduite à l’espace minuscule du téléviseur. Le morceau du Quintette cercle est filmé de loin, l’énergie de la danse et des visages ne peut que se deviner. Lors du tournage, une évidence est vite apparue : cette chorégraphie ne rentrerait dans l’écran du téléviseur que pour mieux en sortir. On fantasme une version « live » dont la puissance emplirait le volume du véritable théâtre… une revanche des visages pixellisés et des physicalités aplaties. Nous y voilà.
Boris Charmatz
Coproduction: Montpellier Danse 06, Festival d’Automne à Paris, Les Spectacles vivants-Centre Pompidou - Paris
Remerciements: Julia Cima, Mathilde Lapostolle et Benoît Lachambre pour leur participation à la création de ces danses, ainsi que l’ensemble des coproducteurs de héâtre-élévision.